Une vie pour une vie

par Takumi Satou Mar 19 Oct - 20:37

Juin 2111, centre-ville de Tokyo

14h23

Un Regard brûlant, une vie sauvée

Une cigarette vissée entre tes lèvres, les mains enfoncées dans les poches de ton jeans et un regard vermeil qui balaie vaguement les visages des quidams qui se poussent afin d’éviter d’entrer en collision avec ton imposante silhouette. Tes traits sont si fermés, à croire que tu es en train de passer une mauvaise journée, de celles où l’on préférerait rester allongé au chaud entre nos draps…Mais il n’en est rien. Cette tronche d’ours mal léché, c’est tout bêtement ta tête au quotidien, celle qui te permet d’avoir une paix royale la plupart du temps et qui, à contrario, est une source de moquerie de la part de ton entourage proche. Tu es pourtant si beau, Taku… M’enfin. Te voici donc en train de te mêler au commun des mortels, cherchant du regard cette animalerie que tu as promis de visiter sur ton temps de congé. Que cherches-tu déjà ? De l’enrichissement pour l’enclos des suricates. Ces petites créatures sont du genre malines et vives, aussi vous avez décidé avec tes collègues, qu’il était temps de redonner un coup de frais aux divers jeux que vous leur proposez. Tu bifurques à un angle, recrachant tantôt d’acres nuages de fumée blanche telle une vieille locomotive à vapeur puis tu te glisses dans une rue moins fréquentées avant de déboucher dans un quartier commerçant. Tu t’arrêtes net et relèves le museau afin d’observer les environs. Ton regard se rétrécit légèrement lorsque tu trouves enfin le but de ton voyage ; « Pet’s love ». Tu arques un sourcil. What a fucking name…

Tu franchis la distance qui te séparait de l’animalerie en quelques enjambées et au moment d’ouvrir la porte, un petit groupe de demoiselles en sort en riant aux éclats mais ces dernières s’arrêtent brutalement lorsqu’elles te découvrent. Tu les toises d’un regard perçant, penchant légèrement le visage sur le côté comme si tu te trouvais en face de créatures inconnues. Tes lèvres s’ouvrent afin de laisser tomber ton mégot que tu écrases du pied sans cesser d’observer la gente féminine. Ces dernières finissent par rougir et s’écartent en gloussant, te laissant enfin l’accès à la boutique. Tu jettes un ultime regard par-dessus ton épaule et décoches un discret rictus qui suffit à déclencher quelques couinements satisfait. Ton égo a apprécié n’est-ce pas ? Tu souris intérieurement, ton shot de narcissisme encore en bouche tandis que tu t’avances dans l’échoppe animalière. Un endroit plutôt classique, les cages des rongeurs ainsi que des oiseaux sont bien entretenues, les volatiles sont calmes et t’observent avec curiosité signe qu’ils se sentent en sécurité. D’ordinaire dans les boutiques comme celles-ci, les animaux sont soumis à un stress préjudiciable mais ici…Les choses ont l’air d’être mieux gérée que ce que tu pensais. Tu fais quelques pas et découvres l’allée dédiée aux félins avec, en prime, un grand parc où se trouvent quelques chatons endormis.

Tes traits s’adoucissent à mesure que tes billes incandescentes rencontrent des minois à plume ou à poil. Les animaux ont cet effet incroyable sur toi pas vrai ? Ils sont ta plus grande force et ta plus grande faiblesse. Tu passes une main dans ta tignasse de neige avant de t’approcher des divers jouets pour chats proposés. Tu avais dans l’idée d’en acheter quelques uns et de les combiner ou de les modifier légèrement afin d’en faire des casses têtes et des stimulations adéquats pour la famille de suricates dont tu t’occupes au Zoo d’Ueno. Au moment où tu tends la main afin de tester la texture d’une balle lumineuse, un employé débarque dans le rayon, muni d’un sac en tissu et s’approche de toi.

« Bien le bonjour monsieur ! Puis-je vous être utile de quelque manière que ce soit ? »

Lorsque tes perles s’arriment avec une franchise désarmante à son visage, l’homme perd de son assurance et recule machinalement d’un pas. Tu coules sur lui un regard inexpressif.

« Je jette un œil. »

Un ton sec, un ton qui laisse entendre que tu ne seras pas le client avenant qui tape la discussion avec qui le veut bien. L’employé s’incline un peu embarrassé.

« Très bien. Je ne serai pas loin si vou-«

D’un geste vif, tu as saisi son poignet gauche et tes perles se sont vissées sur le sac en tissu que le trentenaire détient. I’ve seen something…
Effrayé, l’homme cherche à se défaire de ton emprise mais c’est peine perdue car voilà que tu attrapes le sac avant de lui rendre l’usage de sa main. Tu l’ouvres en fronçant les sourcils et lorsque ton regard pourpre rencontre deux perles d’argent noyées de peur, ton sang ne fait qu’un tour. Tu ne relèves pas le visage, arrimant ton attention sur cet être sans défense et demandes d’une voix menaçante :

« Qu’est-ce que vous comptiez en faire ? »
L’homme déglutit et ne répond pas.

« QU’EST-CE QUE VOUS COMPTIEZ EN FAIRE ?! »

Effrayé par la colère qui rugit de ta voix, le vendeur s’empresse de répondre d’une voix tremblante :

« M-mon manager…a dit qu’il ne voulait plus vendre de reptile ic…al-alors comme personne ne…ne le prenait…Il-il-il…Il m’a dit de le mettre dans un sac et…de le…j-j-j-j-j-jeter… »

Une haine bestiale s’empare de ton être et dans un geste d’une rare violence, tu lâches une des anses du sac pour venir refermer ta poigne sur la gorge de l’employé, le plaquant sans ménagement contre les étales les plus proches. Un regard mauvais brûle dans tes iris.

« Et si ton PUTAIN de manager te dit d’aller danser avec une plume dans le cul tu le fais aussi ? HEIN ? ASSHOLE ?! »

Mh…au cas où ça ne serait pas assez flagrant, tu ne supportes pas la maltraitance animale. Vraiment pas. Le trentenaire tremble de tout son être face à la montagne de colère que tu représentes et tu souffles.

« Mettre une annonce sur internet ou une affiche sur la boutique c’était trop compliqué ? Dans une métropole comme Tokyo, tu crois pas qu’il doit bien y avoir des passionnés de serpents ?! »

Il acquiesce. Tu soupires. Puis tu le relâches et ce dernier s’effondre au sol, passant une main sur sa gorge endolorie. Tu l’observes avec un réel dégoût avant de finalement plonger une main douce dans le sac en tissu, ressortant de sa prison un magnifique boa aussi blanc que ta chevelure et au corps aussi large que ton mollet. Tu l’installes sur tes épaules, caressant le sommet de sa tête de ton pouce avant de retrouver doucement ton calme. Il ne faudrait pas que tu lui transmettes ton énervement après tout… Tes mains se glissent dans tes poches et lorsque le vendeur se remet enfin sur ses deux jambes tu t’exprimes ainsi :

« Je vais le prendre. Gratuitement. Et je vais également prendre tout ce dont j’ai besoin pour lui. Gratuitement. On est d’accord ? »

Comment te refuser quoi que ce soit mh ? Dans la demi-heure qui suit, comme s’il cherchait à faire amende honorable, le vendeur s’est mis à te prodiguer des conseils et informations comme si l’altercation n’avait pas eu lieu. Tu ne l’écoutes que d’une oreille, te promettant d’appeler ton collègue bossant au secteur des reptiles afin d’avoir des informations fiables puis, les bras chargés de sacs remplis de matériels et les épaules habillées d’une curieuse écharpe, tu quittes le magasin.

« Bon…faut que j’te trouve un terrarium. »

Tu coules un regard doux sur le reptile visiblement à l’aise sur son nouveau perchoir.

« Mh et mon grand patron va se faire un malin plaisir de faire de la mauvaise pub pour cette chaîne d’animalerie. Tu vas voir. Grâce à toi, tes collègues animaux de compagnie vont être traités comme des rois. »

Un ricanement moqueur s’envole de tes lèvres tandis que tu te mets en route avec ce tout nouveau compagnon de vie…Bah ouais…Parce qu’un boa, ça vit quand même 20 ans…

Parle japonais en rouge, parle anglais en italique et gras
Pense en italique et sans guillemet